Faut-il absolument guérir d’un trouble du comportement alimentaire (TCA) ?

Lorsqu’on parle de guérison des troubles du comportement alimentaire (TCA), on imagine souvent un chemin linéaire, avec un avant et un après, un “malade” et un “guéri”. Pourtant, la réalité est bien plus complexe.
Si tu souffres d’un TCA, tu t’es peut-être déjà posé cette question : Est-ce que je veux vraiment guérir ?
La guérison peut faire peur. Elle implique de lâcher des repères, de remettre en question des mécanismes ancrés depuis des années et d’accepter de l’inconnu. Et parfois, il semble plus facile de rester dans ce qu’on connaît, même si c’est douloureux.
Alors, faut-il absolument guérir ? Est-ce possible de vivre avec un TCA sans chercher à s’en défaire totalement ? Dans cet article, nous allons explorer les ambivalences liées à la guérison et proposer une approche bienveillante et réaliste de ce processus.
1. Pourquoi la guérison fait peur ?
Si l’idée de guérir te semble effrayante, sache que c’est totalement normal. La plupart des personnes souffrant d’un TCA ressentent une ambivalence face à la guérison.
Perte de contrôle et peur de l’inconnu
Un TCA donne l’illusion du contrôle. Même si la souffrance est présente, il y a une forme de “sécurité” dans les règles alimentaires, les rituels et les habitudes mises en place. Guérir signifie accepter de lâcher ce contrôle et de s’aventurer vers un terrain inconnu.
💡 Et si le contrôle absolu était justement ce qui entretient ta souffrance ?
Identité et peur de se perdre
Un TCA occupe souvent une place énorme dans la vie de la personne concernée. Il structure les journées, les pensées, les interactions sociales. À tel point qu’on peut en venir à se demander : Qui suis-je sans mon trouble ?
La guérison implique de redécouvrir son identité en dehors du TCA, ce qui peut être vertigineux au début.
💡 Tu n’es pas ton trouble. Derrière le TCA, il y a une personne avec des valeurs, des envies et une richesse qui méritent d’être explorées.
Peur de prendre du poids / modifier son corps
L’image corporelle est souvent au cœur des TCA, et l’idée de relâcher la restriction ou d’accepter des changements physiques peut provoquer une forte angoisse. Beaucoup de personnes hésitent à guérir par peur de ne plus se reconnaître dans leur corps.
💡 La guérison ne signifie pas forcément un changement radical de ton apparence, mais un apaisement de ton regard sur toi-même.
Peur de ne plus être “spécial”
Les TCA s’accompagnent parfois d’un sentiment d’exception, d’un besoin de se distinguer des autres. Certaines personnes ressentent que leur souffrance leur donne une identité, une raison d’être. L’idée de guérir peut alors sembler synonyme de banalité ou d’abandon de ce qui les rend “uniques”.
💡 Et si ta singularité résidait ailleurs que dans ta souffrance ?
2. Peut-on vivre avec un TCA sans chercher à guérir ?
Certaines personnes choisissent de ne pas entamer de démarche de guérison active. Elles s’accommodent de leur trouble, trouvant un certain équilibre malgré les difficultés. Mais est-ce viable sur le long terme ?
Tant que le TCA prend une place importante dans ta vie, il limite tes possibilités.
Il peut impacter ta santé physique (carences, fatigue, troubles digestifs, douleurs chroniques…).
Il affecte ton moral et ton bien-être émotionnel.
Il complique les relations sociales, professionnelles et affectives.
Il t’empêche de vivre pleinement certaines expériences (repas entre amis, voyages, spontanéité…).
💡 Vivre avec un TCA, c’est souvent vivre dans une cage dorée : une illusion de maîtrise, mais beaucoup de souffrance en arrière-plan.
3. Que signifie réellement “guérir” ?
La guérison des TCA ne signifie pas forcément “manger parfaitement” ou “ne plus jamais avoir de pensées négatives” sur son corps.
La guérison, c’est avant tout :
✅Ne plus être esclave de la nourriture : pouvoir manger sans culpabilité, sans compulsion ni contrôle excessif.
✅ Vivre en paix avec son corps : sans être obsédé.e par le poids ou la silhouette.
✅ Avoir un espace mental libéré : ne plus passer ses journées à penser à la nourriture.
✅ Pouvoir profiter des moments sociaux sans angoisse.
✅ Se reconnecter à ses émotions, ses envies et ses besoins réels.
💡 Plutôt que de voir la guérison comme un abandon, et si tu la voyais comme une LIBÉRATION ?
4. Comment avancer vers la guérison sans brusquer les choses ?
Si l’idée d’une guérison totale te semble trop effrayante ou inaccessible aujourd’hui, tu peux commencer par de petits pas. L’important est d’avancer à ton rythme, sans pression.
1. Accepter l’ambivalence
Il est normal d’avoir peur. Il est normal d’hésiter. La clé est de ne pas se juger pour cela.
2. Se poser les bonnes questions
Que m’apporte mon TCA aujourd’hui ?
Que me coûte-t-il au quotidien ?
Qu’est-ce que je pourrais gagner en m’en libérant, même partiellement ?
3. Tester des micro-changements
Introduire un aliment “interdit” sans culpabiliser.
Laisser plus de place à la spontanéité dans son alimentation.
Observer ses émotions sans chercher à les fuir à travers la nourriture.
4. Se faire accompagner
La guérison est un chemin difficile à faire seul.e. Un psychologue spécialisé peut t’aider à avancer avec bienveillance et sans brusquer les choses.
5. Faut-il absolument guérir ?
La réponse est personnelle. Personne ne peut t’obliger à guérir, mais tu mérites d’aller mieux. Si aujourd’hui tu n’es pas prêt.e à guérir complètement, c’est OK. Mais peut-être peux-tu explorer l’idée qu’il existe un mieux-être entre la souffrance actuelle et la guérison totale. Il ne s’agit pas d’un “tout ou rien”. Chaque petit pas vers un rapport plus apaisé avec toi-même est déjà une forme de guérison.
💡 Et si, plutôt que de te demander si tu dois guérir, tu te demandais simplement : “Et si je souffrais un peu moins ?”